La santé des personnes détenues n’a longtemps pas été une préoccupation de la société. Durant des siècles, la répression pénale a été dominée par les châtiments appliqués au corps des condamnés. Malgré une diminution de la souffrance infligée, le recours à l’emprisonnement comme peine principale de droit commun n’a pas ôté à la peine son caractère afflictif et ce, en raison de son impact délétère sur l’état de santé de la population carcérale. Pourtant, la santé des personnes détenues est devenue peu à peu un enjeu de santé publique. Guidées par le principe de normalisation des conditions de vie en détention, l’hygiénisation des établissements pénitentiaires et l’organisation des soins ont abouti au transfert de la prise en charge de la santé des personnes détenues du service public pénitentiaire au service public hospitalier. Cette intégration au système de santé de droit commun tend à garantir à la population détenue une qualité et une continuité de soins équivalentes à celles dont bénéficie la population générale. Initialement privées de droits en matière de santé, les personnes détenues se sont alors vues reconnaître un ensemble de droits conférés à tout patient. Cependant, si des mesures de protection particulières sont mises en œuvre en faveur des personnes détenues, eu égard à leur particulière vulnérabilité, il n’en demeure pas moins que l’effectivité des droits des personnes détenues en matière de santé se heurte manifestement aux contraintes d’ordre et de sécurité du milieu carcéral.
Face à cette distorsion entre la reconnaissance des droits et leur effectivité réelle, des garanties juridictionnelles interviennent pour garantir un respect effectif des droits des personnes détenues en matière de santé. La protection influente du juge européen, qui établit des normes nécessaires à la sauvegarde de la santé des personnes détenues et reconnaît un droit au recours effectif, contraint le juge national à se conformer à la jurisprudence européenne. Le juge national intervient non seulement pour condamner toute atteinte aux droits des personnes détenues en matière de santé, mais aussi pour ordonner la libération des personnes détenues lorsqu’aucune autre garantie ne permet d’assurer le respect de leurs droits. Mais, en raison du renforcement de l’offre de soins en faveur des personnes détenues, le juge judiciaire se révèle être en proie à une certaine frilosité quant au prononcé d’une mesure alternative à l’incarcération ou d’un aménagement de peine en privilégiant le recours à l’emprisonnement, même pour des personnes malades que l’administration pénitentiaire peine à gérer.