« L’effrayant » arrêt Lambert – Commentaire de l’arrêt CEDH, Lambert et autres contre France, GC n° 46043/14, 5 juin 2015
Le 5 juin 2015, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu son arrêt dans l’affaire Lambert et autres c/ France, jugeant par douze voix contre cinq qu’il n’y aurait pas violation du droit au respect de la vie garanti à l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d’État du 24 juin 2014. En l’espèce était notamment contestée la décision médicale d’arrêter l’hydratation et la nutrition de Vincent Lambert. Dans cette décision prudente et très procédurale, très vivement critiquée par les cinq juges dissidents qui considèrent que sa « conclusion est effrayante », la Cour se livre à un examen mesuré de la procédure en cause et se retranche derrière la marge d’appréciation des États pour valider la loi française telle que mise en œuvre et interprétée en l’espèce par le Conseil d’État. Plusieurs auteurs réagissent à cette décision, dont un professeur de droit et l’un des conseils des quatre requérants. Cette décision semblait logiquement devoir être l’épilogue dans cette affaire, or, loin de marquer son terme procédural, l’arrêt rendu apparaît paradoxalement avoir relancé le débat qui désormais se déplace sur le terrain des juridictions de l’ordre judiciaire.
Introduction
I. – Une recevabilité restreinte réduisant l'effectivité de la protection de la convention
A. – La jurisprudence antérieure : la recherche d’une protection efficace
B. – L’application restrictive dans l’affaire Lambert
1. – Requête au nom d’une personne décédée
2. – Requête au nom d’une personne vulnérable
C. – Le non-examen de la violation alléguée de l’article 3
II. – La réduction du champs de protection de la vie
A. – Les critères de la fin de vie
1. – La différence entre le suicide assisté et l’affaire en cause
2. – L’examen réalisé par la Cour
B. – Le choix du terrain des obligations positives et ses conséquences
1. – L’absence de consensus quant à la qualification de la nutrition et de l’hydratation
entérales
2. – Une marge d’appréciation étendue
C. – Le transfert et l’irrationalité globale de la procédure
Conclusion