Avec le recul que procure le temps écoulé, on peut retracer la chronique d’une crise très prévisible. L’Agence chargée du médicament est apparemment à l’origine d’un changement de composition excipiendaire de la spécialité Levothyrox® (Merck) qu’elle jugeait instable malgré un très petit nombre d’effets indésirables (EI). Ce changement a été accompagné d’une explosion des signalements et, du fait de la demande des patients, d’une très grande diversification de l’offre à base de lévothyroxine. Des poursuites ont été ouvertes : il est loin d’être certain qu’elles aboutissent et ébranlent le mur de certitudes des autorités sanitaires. Elles laissent d’ailleurs une responsabilité intacte : celle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui a révélé de grandes faiblesses dans son système d’information. C’est le paradoxe du Levothyrox®. Les pouvoirs publics ont prétendu vouloir en améliorer la stabilité mais, à la place d’une spécialité dominante, ils ont généré une situation instable, caractérisée par la coexistence de cinq spécialités biodivergentes. La responsabilité de l’Agence paraît flagrante, même si elle ne donnera probablement lieu à aucune condamnation, ni à aucune sanction. Ce n’est pas le moindre des paradoxes.
I. UNE CRISE PRÉVISIBLE
A. La crise est provoquée ou évitée suivant l’information du public
1. La voie à ne pas suivre : l’information des patients escamotée
dans la gestion du changement apporté à l’Eltroxin® par l’Autorité de sûreté des médicaments et des dispositifs médicaux de Nouvelle-Zélande en 2007-2008
2. Le contre-exemple : l’information directe des patientsdans la gestion du changement apporté au L-Thyroxine Christiaens® par l’Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé
B. La crise s’amplifie par la gestion bureaucratique
1. Le temps du silence (mars-août 2017)
2. Le temps des annonces désordonnées (août-décembre 2017)